Une limpide leçon de néolibéralisme au Québec

Par Marwan Andaloussi
Bombardier est un “fleuron” de l’industrie canadienne et québécoise. Ce terme consacré de la novlangue du business et de la politique signifie que l’entreprise n’est pas astreinte aux usages courants du monde de l’économie et qu’elle se situe au-dessus du lot commun, qu’elle est intouchable.
À l’origine c’était une entreprise familiale de production de motoneiges, elle a connu des phases successives de développement et de diversification. Aujourd’hui, Bombardier est un centre majeur d’ingénierie et est connu pour ses avions et ses trains. L’entreprise est incontestablement l’un des acteurs mondiaux dans le domaine de l’aéronautique.
Quand l’argent du peuple sauve les capitalistes
Selon les dirigeants, Bombardier a frôlé la faillite en 2015. L’entreprise a alors appelé au secours les gouvernements du Québec et du Canada pour la sauver d’une mort certaine. Les deux ont répondu à l’appel avec diligence et ont injecté au total la somme coquette somme de 3 milliards de dollars pour renflouer les comptes compromis de l’avionneur. (Précisons toutefois que ce montant provient des contribuables qui payent leurs impôts chaque mois sans rechigner).
Deux ans après ce sauvetage, Bombardier annonce que les six plus hauts dirigeants de l’entreprise se sont octroyé une hausse de rémunération de 48% pour atteindre 32,4 millions de dollars, dont 24,4 millions de primes et de bonus.
Pourtant, l’entreprise a connu en 2016 une baisse de revenus de l’ordre de 10%. De plus, elle a annoncé la suppression de 14 500 postes d’ici fin 2018, soit 10 % de l’ensemble de ses effectifs.
Écœurement
Cette décision à contre-courant de la situation du chiffre d’affaires et des perspectives de la société a provoqué un tollé au Québec. Les québécois ont exprimé avec force leur colère et leur indignation dans les médias et les réseaux sociaux.
Un lecteur du journal La Presse a notamment écrit : “Leur comportement est comparable à celui des petits marquis de Versailles d’avant la Révolution française”.
Le dégoût des Québécois est d’autant plus justifié qu’ils ont subi durant trois années un plan d’austérité draconien, qui a lourdement frappé les services publics (éducation, santé etc…). La population, qui n’a pas admis un tel étalage d’immoralité et d’égoïsme, reste perplexe devant la frilosité du gouvernement qui s’est contenté de demander mezza-voce à Bombardier de revoir sa décision.
Ce service minimum face à cet usage privatif de ressources publiques a indigné une opinion très sourcilleuse sur ces questions. Québec Solidaire, seul parti de gauche de la province, a lancé une pétition pour que le gouvernement revoie l’accord signé avec l’entreprise afin que celle-ci s’engage à garantir l’emploi au Québec, puisqu’elle survit grâce à l’argent public.
Le parti réclame aussi que l’entreprise donne des garanties sur l’utilisation de l’argent public. En d’autres termes l’utiliser pour développer l’entreprise et non le mettre dans les poches de ses dirigeants. On a peu entendu, en revanche, les tenants de la rigueur libérale si prompts d’habitude à critiquer les dérives supposées de l’État-providence…
Cette affaire est une illustration supplémentaire des mœurs d’une classe d’affairistes présentée comme le moteur de l’économie. Elle est aussi une démonstration de l’impunité dont ces milieux bénéficient au contraire des plus faibles qui auraient la mauvaise idée d’« abuser »des aides sociales….
Le processus constituant comme alternative à l’impasse multidimensionnelle